Infos climat Pourquoi a-t'il plu sans discontinuer ?

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32 jours de pluie sans discontinuer, une série inédite depuis 1988

20/11/2023

Jusqu'à samedi 18, la France a été soumise à des pluies qui semblaient tomber sans s’arrêter, jour après jour, depuis mi-octobre. Sur les 4 dernières semaines, à l'échelle de la France, jamais de telles quantités de pluies n'avaient été mesurées. Comment expliquer cette pluie continue ?

C'est la première fois qu'il pleut autant en France en 30 jours

Ce n'est que la deuxième fois qu'il pleut sans discontinuité pendant 32 jours. Il faut remonter en 1988 pour observer une série de plus de 30 jours (32 jours du 12 janvier au 12 février).

En 30 jours glissant, la France a enregistré un cumul moyen de 237,4 mm (entre le 18 octobre et le 16 novembre) contre 187,1 mm en 1988 (entre le 13 janvier et le 11 février).

Pour mémoire, la France avait démarré l'année avec une série record de 32 jours ... sans précipitations du 21 janvier au 21 février.

Des cumuls remarquables sur l'épisode

Certaines régions ont enregistrés des cumuls de précipitations très importants au cours de cet épisode. C'est notamment le cas des versants ouest (versants exposés à l'arrivée des perturbations) des massifs montagneux, à commencer par le massif Central où 3 stations du Cantal (15) enregistrent plus de 800 mm :

  • 899,6 mm au Lioran  (1238 m) ;
  • 885,8 mm au Falgou (950 m) ;
  • 876,9 mm à Prat de Bouc (1405 m).

Même constat du côté des Vosges, des Alpes du Nord ou de la Corse :

  • 795,7 mm au lac Alfeld à Sewen (Bas-Rhin - 620 m) ;
  • 720,8 mm à Vallorcine (Haute-Savoie- 1326 m) ;
  • 697,0 mm à Evisa (Corse - 1030 m).

A l'inverse, sous le vent des massifs montagneux (plaines de la Limagne, façade orientale de la Corse) ou près de la Méditerranéen (Languedoc, Roussillon), les cumuls restent très modestes (effet de foehn) :

  • 84,4 mm à Clermont-Ferrand (63) ;
  • 52,0 mm à Issoire (53) ;
  • 24,3 mm à Béziers (34) ;
  • 21,7 mm à Bastia (2B) ;
  • 16,4 mm à Perpignan (66).

Cet épisode de précipitations, intense et durable a accentué les contrastes géographiques, lorsqu'on regarde les cumuls de précipitations depuis le 01 janvier: 5 stations dépassent la barre symbolique des 2000 mm depuis le début de l'année. Elles sont situées en montagne dans le massif Central, les Vosges et la Haute-Savoie. Mais 4 stations enregistrent encore moins de 200 mm depuis le début de l'année :

  • 199,1 mm à Port-la-Nouvelle (11) ;
  • 198,0 mm à Sète (34) ;
  • 174,0 mm à Béziers (34) ;
  • 172,5 mm à Aigues-Mortes (30).

Zoom sur le Pas-de-Calais

Le département du Pas-de-Calais connaît une succession de journées pluvieuses du 18 octobre au 10 novembre (24 jours) avec un cumul moyen sur cette période de 267 mm. En moyenne, il tombe habituellement 89 mm et 99 mm respectivement pour des mois d'octobre et novembre (normales climatiques 1991-2020).

C'est la première fois que ce département enregistre une aussi longue série de jours de pluie et un cumul aussi important. La précédente succession de précipitations la plus importante a eu lieu entre le 25 décembre 2022 et le 16 janvier 2023 (23 jours) donnant "seulement" 139 mm.

Spatialement, les cumuls de précipitations ont été plus importants sur la moitié Ouest du département avec un cumul de précipitations entre le 18 octobre et le 10 novembre dépassant les 400 mm (441,0 mm à Bainghem).

Pourquoi tant de pluie ?

Depuis mi-octobre, la France a été traversée par un succession de passages pluvieux quasiment continus. Comment l'expliquer ? D'abord par la situation météorologique globale, le fameux "rail des dépressions" qui domine sur le proche Atlantique depuis un mois : le courant-jet, un courant atmosphérique d’altitude toujours présent dans l’hémisphère nord et soufflant d’ouest en est, est dirigé sur la France. Il fait office d’une autoroute pour les perturbations qui peuvent circuler librement. C’est pourquoi la France a été sous l’influence cet automne de nombreuses perturbations chargées en eau qui apportent des pluies.

Le rail des dépressions

La différence de températures bien marquée entre les hautes latitudes et les régions subtropicales permettent au courant jet de se dresser de l’Atlantique à l’Europe de l’Ouest : cela a formé un couloir pour les perturbations pluvieuses qui se forment au large et sont amenées jusqu’à nos portes par cette configuration classique.

Certaines régions ont été moins touchées que d’autres : Les nuages et les pluies ont tendance à s’accrocher sur les reliefs, et le temps s’assèche après avoir passé le relief. C’est pourquoi le pourtour méditerranéen ou encore le nord est de la Corse sont restées des zones peu touchées par les pluies de ces trois dernières semaines.

Qu'en est-il de la situation des sols ?

Début octobre, la France présentait des sols plus secs que la normale sur la totalité de son territoire. Les sols continuent de s'assécher jusqu'au 17 octobre engendrant une situation des sols digne d'un plein été en moyenne sur la France. En lien avec la succession d'épisodes pluvieux à partir du 18 octobre, les sols se sont ré-humidifiés fortement et sur une grande partie du Pays. Au 19 novembre, les sols sont en moyenne sur la France, plus humides qu'ils ne le sont normalement à cette période. La situation actuelle est habituellement rencontrée autour de fin décembre - début janvier.

En revanche, les régions n'ayant pas bénéficié de ces précipitations (littoral Languedoc-Roussillon et Est de la Corse notamment) présentent toujours des sols plus secs que la normale pour cette période de l'année.